En pensant à Michael Brecker

Au terme d’une interview durant laquelle , curieusement attentif , il m’avait posé de nombreuses questions...et où nous avions parlé de télévision , de tempo, de la cymbale d'Elvin , de ses doutes ...je lui avais remis en mains propres « Recycling The Future »à peine sorti de l’œuf.Quelques semaine plus tard , il m’avait fait parvenir par la poste numérique un mot très précis et fort touchant détaillant les contours de ce premier album.J’en avais versé une petite larme d’émotion.
Par la suite , nous nous étions donné quelques rendez-vous , dont cette semaine au festival de Jazz de Montréal où nous avions dîné ensemble chaque soir, parlé de Rautaavara , dont le prénom( Einojuhani)sortait sans cesse de nos mémoires ,comme de Jerry Bergonzi ,de ses groupes , de ses projets futures, de production …
Une nuit,j’avais rêvé et avais osé le lui confié un peu plus tard, que je produisais un de ses albums .L’idée était de lui proposer de revenir au Funk , de faire une sorte de James Brown instrumental avec un son bien funky , bien sale …et quelques harmonies tordues ... Il y aurait eu Steve Jordan et Brian Blade martelant ensemble, sauvages et subtils ,Larry Goldings à l’orgue Herbie H. au Fender Rhodes,le bon vieux Georges Benson y serait venu planter quelques solos et Gil Golstein aurait arrangé un ensemble constitué de Bugle Clarinettes Clarinette basse et Trombone quelque part entre les J B ‘s et Gil Evans.Kenny Garrett serait passé dire bonjour aussi .Evidemment , ce n’était qu’ un rêve , mais tout y était si précis , si clair…
En 198?…au New Morning , Steps Ahead était venu donner un concert …Peter Erskine ,Eddie Gomez,Eliane Elias ou Warren Bernhart , je ne suis plus bien sûr , Mike Manieri.Durant le premier morceaux- Pools ,le hit de Don Grolnick -Michael Brecker avait levé le public , j’ en avais le souffle coupé et chacune de ses notes abreuvait mon walkman…L’émotion était si forte que j’en ai même eu peur de tomber dans les pommes , ça n’arrive pas tous les jours …
Tous les Jazzmen sont sous-estimés avait déclaré cet homme timide et attachant lors d’une interview …Cette phrase était restée comme un leitmotiv,une petite vérité qui rafraîchit tranquillement les mémoires …
Il n’était pas toujours considéré comme un « vrai Jazzman »,certains avaient peine à lui pardonner ses incursions en d’autres terres , son passé d’homme de studio,son côté Monsieur propre ,son assise rythmique si effrayante … il le savait certainement et travaillait sans relâche à cultiver ce petit espace d’incertitude où le son du Jazz se niche bien souvent …
Pour les enfants du rock , Michael Brecker a été le chaînon manquant, il l’est tristement à nouveau . Michael Brecker cependant n’est pas mort , il vit à travers la force incroyable qu’il a transmise à une génération entière de musiciens(et de saxophonistes !) , à travers lesquels sa musique et son incroyable personnalité existera longtemps encore …